Comment vous est venu ce goût pour le dessin ?
Je n'ai pas été ce que vous appelez un enfant prodige, mais j'ai toujours aimé dessiner. Ma mère s'en est rendu compte, elle était attentive et pleine d'affection et d'une certaine manière elle a su encourager ce penchant. Je dois dire que je n'ai jamais aimé ce que l'on nous faisait faire à l'école. Dans ce temps-là, on nous faisait faire du dessin géométrique et cela ne m'a jamais attiré, j'ai toujours eu beaucoup de peine à utiliser la règle, l'équerre et le compas, sans doute vous en êtes-vous rendu compte ! Donc, je dessinais des choses que l'on ne me demandait pas à l'école et qui ne devaient pas être extraordinaires. J'aimais dessiner les soldats, les batailles...
Quelles furent vos premières émotions dans ce domaine ?
J'aimais beaucoup regarder les illustrations, je dévorais cela avec passion. Je me souviens quand j'étais encore enfant, juste avant la guerre quand l'Italie était alliée au Japon, il y avait eu à Milan dans le château des Sforza une exposition de dessins d'enfants japonais. J'avais été véritablement frappé par ces dessins, cela m'avait énormément plu. C'est sans doute de là qu'est née ma passion pour le Japon. L'intérêt que j'ai depuis lors porté au graphisme japonais, c'est quelque chose qui m'est resté. Je me rappelle qu'à, partir de ce moment, j'ai demandé que l'on m'offre des livres d'illustration sur le Japon. Maladroitement j'essayais de refaire ces dessins.
La bande dessinée avait-elle une place pour vous ?
Non, les parents à cette époque avaient une vision plutôt négative de la bande dessinée si l'on excepte Topolino (Mickey), on m'en offrait et les dessins me plaisaient.
Quel genre d'enfant étiez-vous ?
J'étais fils unique et j'aurais vraiment aimé avoir des frères et soeurs ; sur le plan affectif j'ai eu une enfance très heureuse, même si j'ai perdu très tôt mon père. Dans le fond j'étais un enfant très banal, en grandissant je n'ai pas manifesté de violente crise d'adolescence, je ne sais pas si c'est un bien ou un mal... Je n'ai pas essayé !
Vous aviez évoqué la rencontre décisive avec un peintre : Luigi Filocamo... Comment aviez-vous fait sa connaissance ?
Ma mère travaillait pour une petite maison d'édition qui publiait des livres d'art et c'est ainsi qu'elle avait fait sa connaissance. C'était un très bon peintre. Quand j'étais gamin, il me permettait d'assister à la réalisation de ses tableaux, apparemment cela ne le gênait pas d'avoir du public lorsqu'il travaillait. Il peignait d'une façon traditionnelle, quasiment comme à l'époque de la renaissance avec de la tempera à base d'oeuf. Je restais des heures à le regarder en cherchant de percer ses secrets, j'étais fasciné par l'aspect manuel de ce travail, le côté artisanal : il broyait ses couleurs, faisait ses mélanges... Il était très fort, particulièrement dans l'art sacré et le portrait. Il avait une grande réputation. Pour ce qui est de l'apprentissage personnel cela ne m'a techniquement rien apporté, car je n'ai quasiment jamais peint, ce qui me plaisait le plus c'était déjà le dessin et en noir et blanc.
Aujourd'hui encore je demeure persuadé qu'il y a une profonde différence entre un dessinateur et un peintre. Tous les auteurs de bande dessinée ne savent pas vraiment peindre et, à l'inverse tous les peintres ne savent pas forcément dessiner.