Je ne vais pas vous refaire ici toute l’histoire de Macbeth de William Shakespeare, mais juste vous rappeler qu’il s’agit de l’histoire d’un roi qui croit les prophéties de trois sorcières et qui – perturbé par une épouse qui lui demande de dézinguer quiconque gênerait son accès au pouvoir – finit par précipiter lui-même son propre destin vers la mort. Un drame historique autour du règne de Duncan, roi d’Écosse, qui ne sortira pas vivant de cette histoire, emporté dans la folie meurtrière de ce couple excessif (il ne sera pas le seul, demandez plutôt à Banquo, l’ami de Macbeth). Lady Macbeth elle-même ne survivra pas à ses délires assassins, pas plus que son époux. À part les deux Macduff et Malcolm, peu de personnes réchappent à ce processus meurtrier reposant sur des croyances, des peurs et des psychés instables. Ces thèmes tragiques et psychiatriques intéressaient fort Shakespeare, car ils véhiculaient une critique philosophique et sensitive sur la nature complexe de l’âme humaine, et il n’est donc pas étonnant que Marcelé ait été attiré par cette œuvre, ayant lui-même travaillé sur des bandes dessinées intenses et étranges où l’âme sombre des êtres se révèle dans la folie.
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que Marcelé aborde Macbeth : il le fit déjà il y a presque 40 ans, en 1979, en compagnie d’Anne Bellec au scénario (album « collection Pilote » chez Dargaud). Sa nouvelle adaptation en solo qui paraît aujourd’hui n’est pas une « remise à jour » de ce premier album mais bien une nouvelle approche, une nouvelle création. Les dialogues et le découpage sont différents, l’aspect des personnages aussi, tout a été repensé et redessiné, et le style graphique n’est plus le même, ce dernier point étant loin d’être anodin. En effet, dans sa première approche de Macbeth, Marcelé avait utilisé la technique du lavis ; ici, on retrouve son style actuel où le crayon, l’encre, le rehaut de blanc et le grattage engendrent un noir et blanc extrêmement riche, foisonnant, charbonneux... fascinant. De ses entrelacs et fourmillement de traits, l’artiste fait naître paysages, visages, corps et motifs... Cette esthétique moins « lisse » que celle de la première adaptation colle parfaitement avec la noirceur inextricable des protagonistes et de l’action, comme des ronces graphiques enserrant les êtres jusqu’à les dévorer, sorte d’archaïsme magique de ce noir et blanc semblant venu d’un autre âge...
Une vision à la fois très personnelle et très respectueuse de l’œuvre originale, ce qui est toujours la qualité sine qua non d’une bonne adaptation !
Mortelle Culture