Il y a vingt ans, le 20 août 1995, Hugo Pratt disparaissait, laissant derrière lui une œuvre importante et un personnage devenu l’une des grandes figures de la bande dessinée, Corto Maltese. On parle beaucoup de Pratt et de Corto Maltese, en ce moment, à l’occasion de la relance de la fameuse série, reprise par les Espagnols Juan Díaz Canales et Rubén Pellejero avec un 13ème tome intitulé Sous le soleil de minuit... Je ne vais pas ouvrir pleinement le débat sur le bien-fondé de continuer une série après la mort de son auteur, mais le fait que nous parlions ici même de l’hommage que Vianello a rendu à Pratt avec cet album m’oblige tout de même à dire quelques mots à ce sujet... Il y aurait 30 000 polémiques à aborder quant à l’héritage et à la continuité de l’œuvre de Pratt, mais ce que l’on doit souligner aujourd’hui, c’est qu’en parcourant ce Vingt ans après, il semble évident que le seul qui aurait dû reprendre Corto Maltese (si cela devait être envisagé) serait bien sûr Lele Vianello. Il ne fut pas que l’ami de Pratt, mais aussi son assistant. Si vous êtes fan de Corto Maltese, alors vous avez déjà vu du Vianello, ici, juste là, derrière Corto, ce décor dans la case... Mais les voies du capitalisme et la peur de la réalité des êtres sont impénétrables, donc cette évidence de Vianello seul légitime à reprendre la série n’a pas pesé bien lourd face à la facilité d’une licence « maison » pouvant par exemple engendrer – outre une réédition totale des Corto signés Pratt, en noir et blanc, en couleurs, en coffret – calendriers, agendas et autres produits dérivés. Bref.
Comme toujours chez Pratt, il y a des histoires dans les histoires, même dans les hommages qui lui sont rendus. Il y a vingt ans, Lele Vianello avait réalisé une suite de grandes cases formant un récit-hommage à son ami récemment décédé. Ces images furent exposées à Venise, puis publiées dans un album italien. Mais, drame, elles furent volées... Vingt ans après, Vianello a redessiné cet hommage disparu, témoignage d’une amitié qui ne meurt pas et d’une création éternellement renouvelée, comme redonner vie au souvenir... Dans ces pages, des figures de la mythologie celtique utilisées par Shakespeare puis Pratt s’apprêtent à accueillir parmi eux celui que j’appellerais « Corto Pratt », le dessinateur dans la réalité mais le marin dans l’imaginaire, les rejoignant dans la magie de la forêt de Brocéliande... Cette édition est augmentée d’un choix de textes qui furent importants pour la vie créative de Pratt, poèmes de son grand-père, de Stevenson, ou ballades irlandaises... Un très bel hommage à Pratt, donc, exprimé dans une poésie simple, claire, sereine...
Cecil McKinley
Mortelle Culture