Nicholas Grisefoth de Juha Ruusuvuori (sc.) et Hannu Lukkarinen (dessins) (Mosquito) démontre le savoir-faire de ses auteurs finlandais. Ce polar historique et d’aventures met en scène un protagoniste atypique et rusé. Il donne l’envie d’en savoir plus sur le contexte du pays des auteurs dans un Moyen Âge « exotique » pour leurs lecteurs plus méridionaux...
1299-1300, Finlande : l’endroit ne deviendra que tardivement une entité nationale (1917). Longtemps, il a été tiraillé entre les appétits territoriaux de ses deux puissants voisins, la Russie et la Suède. Pour l’heure, la royauté suédoise domine le sud-ouest de cette terre de croisade au contact de certaines tribus autochtones restées encore païennes, érigée par la suite en duché autonome placé sous sa tutelle de fer.
Où Nicholas trouve plus matois que lui…
Le « phénomène viking » (environ 800-1050) est révolu. Les vaisseaux de guerre effilés et non pontés des « géants du givre » ont été remplacés par de plus gros bateaux à coque frisonne. Ils se révèlent plus adéquats pour le transport de lourdes quantités de matières premières dans le nord de l’Europe. Le commerce des fourrures, l’activité principale depuis des temps immémoriaux dans le septentrion, y attire, notamment, les marchands des villes germaniques de la Hanse.
L’un de leurs concurrents locaux, Nicholas Grisefoth, tente malicieusement de tirer son épingle du jeu. Mais tout se complique lorsque, pour améliorer ses affaires, il se mêle d’intrigues qui opposent des potentats religieux et ordres monastiques. Ceux-ci se disputent la possession lucrative des reliques de saint Henrik, Anglais du XIIe siècle, saint patron de la Finlande. Il fut de ces moines bretons (entendez : britanniques et irlandais) partis convertir l’Europe continentale, du sud au nord, dès le Haut Moyen Âge.
Scénario dense et dessin en noir et blanc hypnotisant !
Ce thriller médiéval très réussi n’a pas échappé à la sagacité de Michel Jans et de Mosquito qui ont inscrit cette série à leur catalogue.
Né en 1957 et diplômé en science politique de l’université de Tampere, Juha Ruusuvuori est romancier, dramaturge et auteur de livres pour enfants. Il a été primé à de nombreuses reprises, dans son pays et à l’international. Après s’être essayé au scénario de BD dans un magazine finlandais, il se lance dans la rédaction de Nicholas Grisefoth (2006). Le luxe de précision déployé dans ses albums aux récits denses et maîtrisés, le montre très connaisseur des thèmes historiques saupoudrés d’ironie dans ses dialogues.
Le dessinateur Hannu Lukkarinen, son inséparable cigare au bec, présent lors du dernier Festival d’Angoulême 2012, se signale également par sa grande culture. Artiste accompli, formé aux Beaux-Arts à Helsinki et Budapest, dans les années 1970, il a illustré une soixantaine d’ouvrages divers. Puis, il collabore avec l’auteur de polars américain Andrew Vachss ou adapte avec lui en BD le grand écrivain Arto Paasilina, son compatriote rédacteur du Lièvre de Vatanen ou du Fils du Dieu de l’orage.
Hannu Lukkarinen sait aussi parler admirablement de son travail, synthèse aboutie entre un expressionnisme noir et blanc héritier de Milton Caniff et un autre, pictural celui-là, à la sensibilité nordique façon Edvard Munch.
Des auteurs venus du froid à recommander chaudement !
Actua BD