Sharaz-De (tome 2)

Sur un air des mille et une nuits

Chaque nuit, Sharaz-De doit inventer une nouvelle histoire afin que, le matin venu, le Roi détourne d’elle les coups fatals que son bourreau assène d’habitude à celles qui ont partagé la couche royale. Pour distraire son monarque et se rendre indispensable à ses yeux, elle lui conte la destinée de ce fils de Roi déchu à qui un Nain donne le pouvoir de vaincre ses ennemis. Un autre soir, elle lui susurre la triste fin de Yazid, dont la richesse légendaire et convoitée n’était pourtant constituée que d’une pierre ayant le don de lui raconter de merveilleuses histoires. Un autre encore, celle de Mazouf-Al-Bazani, un marchand honnête sachant concilier gains et droiture, au point de susciter la jalousie des Dieux. Une simple –mais perfide – question posée par un Dieu dissimulé sous les traits d’un mendiant suffira à faire basculer sa vie.

Cela faisait une quinzaine d’années que Toppi n’avait plus réalisé d’ouvrages personnels, ne travaillant plus que pour divers travaux de commandes. Les éditions Mosquito qui, depuis des années, ont entrepris de remettre à l’honneur les travaux de ce plasticien de génie, ont réussi à convaincre ce septuagénaire aux doigts d’or de se lancer un nouveau défi artistique en composant une suite à son mythique Sharaz-De.

Le résultat est à la hauteur de la réputation et du talent du dessinateur italien. Il renoue avec bonheur avec ce recueil de contes construits sur le modèle de ceux des Mille et une nuit. Chaque tableau est l’occasion de mettre en scène des passions humaines ou divines, la concupiscence, l’envie de personnages hauts en couleurs évoluant dans des univers sans paysage, sans ville ni époque identifiables.

La patte graphique du maître est aisément reconnaissable. Pourtant ses hachures, ses entrelacs se font cette fois plus nerveux, plus jetés, contiennent semble-t-il plus de rage qu’autrefois. Comme pour nous montrer que le feu le brûle encore d’avantage qu’autrefois. Un pur régal. Si seulement, il pouvait inventer 995 autres nuits telles que celles-ci…