Que vous ayez 7 mois ou 777 ans, c’est avec un plaisir éclatant que vous retrouverez les jeunes héros de Wasterlain pour ce deuxième opus tonique paru dans la collection jeunesse de Mosquito (« Lily Mosquito »). Oui, c’est bien le plaisir qui prime avant tout ici, et la lecture de ces « Pixels et les robots » en procure encore plus que le premier tome – c’est en tout cas mon sentiment. Le premier volume mettait en scène les personnages et le concept dans une vraie fraîcheur d’esprit ; maintenant que les présentations sont faites, voici donc venu le temps pour notre ribambelle trop top de s’élancer et de prendre de l’ampleur en embrassant même une thématique tenue tout au long de cet album composé de quatre histoires. L’idée d’une thématique en plusieurs tableaux est une rudement bonne idée de la part de Wasterlain, car cela nous fait mieux nous familiariser avec les personnages, selon un « petit théâtre » amenant les choses par touches successives. C’est très agréable. Et puis le thème choisi, celui des robots, donc, est traité avec tout le talent et l’ingéniosité de Wasterlain, sachant une nouvelle fois mêler classicisme et modernité avec une fausse désinvolture qui fait plaisir à lire. On repense avec nostalgie à toutes ces histoires de bande dessinée franco-belges où la présence d’éléments de science-fiction n’arrivait pas pour autant à faire basculer le récit dans la nature de ce genre (phénomène plus visible chez Dupuis qu’au Lombard). Pour n’en citer qu’un, remémorons-nous le fameux Radar le robot qui apparut de manière fracassante dans deux des premières aventures de Spirou et Fantasio créées et dessinées par André Franquin (1947-48) : nous étions toujours dans l’aventure comique dessinée « à la belge » (et c’est important), cette nature étant si forte qu’elle pouvait intégrer tous les genres sans jamais devenir autre. Mais revenons à nos Pixels, nom d’un blog !
Vous savez, ce qui me fait tant plaisir à lire, dans cet album ? Eh bien c’est que c’est du Wasterlain, tout simplement, et que ça reste du Wasterlain, car envers et contre tout Wasterlain reste Wasterlain. Il n’a pas plié. Le trait a quelque peu changé, certes – et c’est normal, car cet auteur ne se fige pas, il évolue –, mais on y retrouve tout son génie décalé, au point que dès la première image de la première planche de la première histoire, j’ai bloqué comme un benêt devant le dessin insensément juste et expressif d’un pneu de mini moto… Je me suis dit « mon dieu, si je commence l’album comme ça, je n’ai pas fini ! » Car elles sont nombreuses, encore, toutes les petites merveilles graphiques de Wasterlain, dans cet environnement parfois étonnamment épuré. Wasterlain continue de triturer les formes, ne s’attardant plus sur les détails du décorum pour mieux aller à l’essentiel du sujet et en tirer l’expressivité la plus graphique possible. Disons-le : ses dessins de robots sont une pure merveille de simplicité, véritable synthèse des formes les plus reconnaissables et mythiques du genre. Ces robots n’appartiennent qu’aux Pixels, mais on retrouve en eux l’archétype total de cette figure si emblématique qu’est le robot de notre bonne vieille science-fiction. Wasterlain nous fait replonger dans tous nos souvenirs de films, d’illustrations, de bandes dessinées qui ont modelé notre imaginaire, identifiant la science-fiction dans le bain de la conscience collective. Le robot de Wasterlain est le robot type, le robot brut, le robot hommage absolu. J’adore !!!! Et puis il y a aussi les histoires. Des histoires moins « charmantes » qu’on pourrait le croire, car n’oublions jamais que Wasterlain est un tendre révolté, et donc tout sauf un gnangnan ! En effet (à moins que ce soit moi qui yoyote et interprète), le savant fou de petite taille qui mène la vie dure à nos amis et veut devenir le maître du monde ressemble furieusement à une certaine personnalité qui siège tout en haut de l’État en ce moment, si vous voyez ce que je veux dire (je ne le cite pas non par lâcheté, mais par hygiène). Quoi qu’il en soit, si vous avez envie que vos enfants lisent autre chose que l’abject commercial qu’on leur donne trop souvent en pâture, je vous conseille vivement de leur acheter « Les Pixels » de Monsieur Wasterlain : ils y trouveront humour, tendresse, musique, aventure, ironie, humanisme, et tant d’autres choses dont nous avons tous tant besoin… Merci, Marc, de continuer à dessiner. Et c’est un lecteur de la première heure qui vous le dit, bien trop vieux pour faire sa Lily !
Cecil McKinley, BDZoom