Il existe déjà des livres traitant de l'œuvre de Baudoin, et les éditions Mosquito, ici éditrices, sont à l'origine d'un ouvrage assez intéressant paru en 2001 dans la collection Monographies. Son petit format cartonné épais au dos toilé en faisait un bel objet, son contenu privilégiant cependant de longs entretiens illustrés entre l'auteur et Philippe Sohel. Ce catalogue-ci n'a pas vraiment la même ambition. Et de l'eau a coulé sous les ponts, depuis, tout comme la carrière et la bibliographie de l'auteur se sont largement étoffées, avec plus de 70 albums de bande dessinée depuis 1981 et des dizaines de participations à des ouvrages collectifs, ou autant de livres illustrés. Son intérêt s'avère donc important, offrant de nombreux témoignages, permettant d'éclairer d'une manière plurielle et originale l'œuvre de l'artiste chercheur en poésie, désormais internationalement reconnu, mais aussi quelques citations de Baudoin lui-même. Comme l'écrit Thierry Groensteen, déjà auteur d'un essai en 2008. « (...) La plupart des livres de Baudoin - lorsqu'il est auteur à part entière - n'en forment qu'un inlassablement remâché, repris, retissé, par un auteur qui a su entretenir ses rêves, ses interrogations, sa candeur de jeune homme et qui, au lieu d'être devenu vieux, a désormais tous les âges. » Il fait référence entre autre ici au récent Les fleurs de cimetière, pavé de 288 pages, reprenant quelque peu le principe de livre testamentaire débuté avec Le Chemin de Saint Jean en 2002 chez l'Association et déjà augmenté de 40 pages en 2004. Ou encore, citant une phrase de l'auteur dans l'ouvrage de Frédéric DeBomy Plaidoyer pour les histoires en forme de champ de blé et de flamme d'allumette soufrée (PLG/BDboum 2020) : « j'aime mettre à mal la narration, casser les cheminements tranquilles. » Lui qui aime autant dessiner les femmes que les arbres, et dont la danse apparaît aussi comme un thème de prédilection, nous est dévoilé à travers les yeux de connaisseurs amateurs, mais aussi des partenaires artistes avec qui il aime travailler, sans relâche, ivre de découvertes. Les thématiques se détachent, au fil de cet ouvrage hommage et didactique, respectant en cela la logique d'une scénographie d'exposition, et font ressortir la substantifique moelle d'un artiste ayant traversé presque un demi-siècle en laissant une empreinte noire faite d'encre joyeuse, matinée de beaucoup de mélancolie, dans les vies de millions d'humains. Car s'il est une chose certaine en regardant l'œuvre d'Edmond Baudoin, et Les fleurs de cimetière, en atteste encore, c'est qu'il y aura eu un avant et un après Baudoin dans l'univers de la narration graphique, tant sa manière sauvagement libre de poser l'encre et les mots sur des pages peut provoquer un séisme émotionnel. Cette exposition et ce catalogue dos carré-collé avec rabats, richement illustré de reproductions d'originaux (l'auteur a fait don de 5000 pièces en 2019 à la Cité) – dont on aurait souhaité, sur les pages d'inter chapitre, l'utilisation de police un peu moins grosses – sont là pour lui rendre l'hommage qu'il mérite. Lisez Baudoin ! Ressentez Baudoin ! Aimez Baudoin !
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