En 1540, Pedro de Valdivia, accompagné de sa maîtresse Inès de Suarez, lance une expédition espagnole pour conquérir le Chili. Juan Valiente, un esclave d’origine africaine, convainc son maître de le laisser participer à l’entreprise en échange d’une partie du butin. C’est le début d’une épopée pour le jeune esclave devenu conquistador. Cherchant la liberté sans relâche, il devra affronter les Indiens Mapuches, bien décidés à défendre leur territoire. Saura-t-il trou-ver ce qu’il désire si ardemment ?
La première chose qui frappe lorsqu’on ouvre Juan Valiente est le travail colossal de recherche et de documentation qu’ont demandé tant le récit narratif que le dessin. Une notice explicative heureuse est placée en ouverture de l’œuvre pour situer le contexte et les personnages. Elle permet de mieux saisir les événements et les enjeux relatés dans l’histoire qui se déroulent sur plusieurs décennies. Le lecteur peut ainsi se retrouver face à une œuvre somme toute assez exigeante, alternant les bonds dans le temps et les flash-back de Juan Valiente, du temps où il était esclave. Passé cette difficulté de conception d’espace et de temps, il reste une histoire enthousiaste et intrigante pour tous les passionnés d’Histoire avec ce pan entier oublié sur la conquête de l’Amérique du Sud par le peuple espagnol lors du XVIesiècle. En collant au plus près de la réalité des faits et des personnages, les auteurs entraînent le lecteur à découvrir la réalité de la conquête laborieuse du Chili vaillamment défendu par les autochtones.
Le personnage de Juan Valiente mettant en exergue quant à lui la participation oubliée des noirs, souvent esclaves désirant s’affranchir lors de cette conquête. Cet album leur rend aujourd’hui justice. Le dessin est aussi d’une rare précision et s’attache à reconstituer les décors, tuniques et cuirasses de l’époque. Réaliste et sec, on pourra cependant lui reprocher de parfois déshumaniser un peu les personnages en raison d’expressions trop figées. Mais dans un sens, cela ne peut que rajouter à l’effroi de cette guerre de colonisation.
Une bande dessinée dense et âpre au premier abord, mais qui insuffle dans un second temps avec beaucoup de générosité une retranscription fidèle aux faits historiques de l’époque.
Romain PIERROT
L'avis de Bulles