Trente sept ans de politique de l'enfant unique en Chine ont donné lieu à des drames inconsolables. Cette compilation de trois récits vécus nous les présente, superbement mis en images.
L'histoire :
Jia Jia est un enfant unique. Il a environ sept ans et il est la perle de ses parents. Un après midi, alors qu’il s'amuse dans la rue de son village tandis que ses deux parents sont bien occupés, il disparaît, semble-t-il enlevé par un inconnu en voiture. Ses parents vont tout faire pour le retrouver et s'obliger à demeurer dans leur masure pendant une dizaines d'années, malgré l'urbanisation galopante, les immeubles et les échangeurs autoroutiers les encerclant, afin que Jia Jia puisse retrouver son chemin au cas où...
Xiao Ming était un garçon passionné d'astronomie, mais il est mort de maladie. Ses parents, la mort dans l'âme, ont pu adopter une petite fille, Xiao-Hong, qu'ils adorent, bien que la perte de leur premier enfant leur soit pénible et continuellement rappelée. Xiao-Jong ressent aussi ce manque et aimerait pouvoir s'amuser avec son « frère » si magique, elle qui joue avec des poupées cosmonautes...
1985 : Leilei est la fille unique d'une famille heureuse, bien qu'elle soit née avec une tumeur maligne au cerveau, ne lui donnant qu'une vingtaine d'années à vivre. Son père meurt d'un accident lors de ses trois ans. Sa mère l'élève alors seule, tandis que son handicap grandit, la privant de sa motricité et de la vue. Elle est courageuse et l'un de ses derniers vœux sera de se marier, avant de décéder, à l'âge de 25 ans, en 2016, juste au moment du changement de politique concernant la natalité en Chine, autorisant à avoir jusque deux enfants.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est toujours intéressant de découvrir des bandes dessinées chinoises, sachant que celles-ci (les lian huanhua) ne sont pas encore légion dans les bacs des librairies hexagonales. Les éditions Xiao Pan étant sûrement les plus anciennes (2005), et Fei les plus marquantes, depuis 2009. On citera aussi les éditions Mosquito avec la publication de La Vengeance de Masheng, de Zhang Xiao Yu en 2013, sans oublier Patayo Éditions, qui développent un catalogue de livres de poche ravissants. Le projet qui nous intéresse a été souhaité de longue date par Wang Ning, et réalisé en fin de compte grâce à des rencontres positives avec des familles ayant mal vécu la politique de l’enfant unique. Il a permis à cet auteur, à la tête de l'agence Beijing Total Vision depuis 2004, de scénariser trois histoires en invitant autant de dessinateurs pour les mettre en images. Ni Shaoru, au style peint et aux couleurs grisées comme la vie quotidienne, rend justice avec une certaine virtuosité au premier récit dramatique. C'est sa première publication française et ces 21 pages sont tellement réussies qu'elles donnent le ton de la couverture, tout comme le titre de l’album. Xu Ziran, déjà connu du public français, possède un style rond aux tons colorés doucereux qui rappellera, dans son style plus enfantin tourné vers l’imaginaire, celui du mangaka Taiyou Matsumoto. Qin Chang, quant à lui, a entre autre réalisé la quatrième de couverture du Carnet chinois d'Edmond Baudoin (Mosquito, 2019) auquel on pourra d'ailleurs se reporter utilement. Son style un peu animé jeunesse, au crayon aquarellé, évoquera quelque peu celui d'un Hisaishi Ishii pour Mes voisins les Yamada, adapté à l'écran par Isao Takahata. Ces trois histoires, en plus de nous présenter un sujet grave avec justesse et émotions nous permet de découvrir et apprécier trois jeunes dessinateurs modernes venus de l’empire céleste. Une occasion à ne pas manquer.
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