Artiste aimé du public et de la critique, Edmond Baudoin aime surprendre son lectorat. De son invitation au pays de l’Empire céleste, il en a tiré un très bel album, Carnet chinois chez Mosquito.
Télescopage(s)
Edmond Baudoin est invité en Chine en mai 2017. Il doit y rencontrer des étudiants en art, ainsi que des artistes. Il doit aussi faire la promotion de sa version de Peau d’âne (Gallimard) traduit en chinois.
Dès le lendemain de sa descente de l’avion, il débute une session de trois jours de travail avec une cinquantaine d’entre eux. Préférant la spontanéité et l’échange l’auteur des Rêveurs lunaires (avec Cédric Villani) n’a pas de plans très précis pour ses cours, juste de grandes lignes. La Chine est un pays qu’il connait pour y être déjà venu quelques fois.
Aidé par sa traductrice Shaojun, il commence à donner des conseils. Il sait y faire, lui qui fut professeur d’art à l’université Québec en Outaouais de 1999 à 2003.
Ce voyage prend alors une forme différente après la triste nouvelle du décès de Jeanine, la mère de ses deux fils Olivier et Hugues.
Edmond Baudoin, créateur d’émotions
Edmond Baudoin est un auteur de bande dessiné à part, dans son style graphique proche de la peinture, dans ses histoires qu’il raconte et dans sa vie.
Né en 1942, ce Niçois commence sa carrière dans les années 70 dans Le patriote côte d’Azur, magazine communiste inséré dans L’humanité Dimanche. Ayant suivi des cours du soir de dessin à l’Ecole nationale des arts décoratifs de Nice plus jeune, il publie sa première histoire, Civilisation en 1981 chez Glénat. Il participe aussi à l’aventure éditoriale des magazines Circus, (A suivre), Pilote et L’écho des savanes.
La critique et le public apprécient tout de suite ses albums. On notera notamment Couma aco, L’argent roi, Le voyage et Les quatre fleuves, tous récompensés à Angoulême par de prix prestigieux.
Carnet chinois, carnet d’émotions
Comme il le souligne en fin de Carnet chinois, Edmond Baudoin admire Shitao, un écrivain chinois qu’il considère comme un véritable professeur. Il illustre ainsi quelques unes de ses citations. Les sensations sont vives en regardant ces planches.
Ce carnet de voyage, ce tableau de bord est avant tout un carnet d’émotions. Il y croque de petits moments importants pour lui, ses réflexions sur le temps qui passe, la vie et la mort (à travers celle de Jeanine), la pauvreté, ainsi que les échanges avec les étudiants dont il dit que certains sont plus doués que lui. Une humilité qui le grandit.
De la force du trait
Edmond Baudoin avait laissé son Carnet chinois entre parenthèse le temps de réaliser le bouleversant Humains, la Roya est un fleuve avec son comparse Troubs. Finalement, cette publication à L’Association et celle chez Mosquito ont beaucoup de points communs, notamment cette volonté de rencontrer des gens.
Il l’a ensuite repris pour l’enrichir et l’achever. Comme il l’explique, en reprenant Carnet chinois en janvier 2018, il a voulu rendre hommage à Jeanine, « cette maman qui a voulu vivre sa liberté et qui à contribué à [lui] enseigner ».
L’auteur des Enfants de Sitting Bull nous envoûte avec ce trait souple, aérien en noir et blanc. Ses pinceaux glissent sur ses pages et s’animent avec grâce devant nous. En quelques traits ou esquisses, il nous fait ressentir toute la force des personnes dessinées ou des objets qu’il trouve devant lui.
Pour terminer Carnet chinois, l’auteur présente quelques unes des œuvres des étudiants rencontrés. Ils le mettent tous en scène : un bel hommage à ce maître du 9e art.
Comix Trip