Naugatuck 1757

Déjà trois ans que Sergio Toppi nous a quittés, et Mosquito continue la réédition minutieuse de ses travaux. Après différentes séries, elle s’organise désormais par albums thématiques et, après un tome réunissant des BD fantastiques, elle nous entraîne à la découverte de trois récits de western.

Western oui, mais d’un genre bien particulier : celui de la conquête. Les trois récits nous entraînent tous dans les luttes entre Indiens et colons. Loin des images d’Épinal, le dessin de Toppi, majestueux et expressionniste, décompose les planches pour donner une dimension parfois mystique à ses pages. Les trois histoires ont toutes une certaine aura de mystère et avancent aux frontières du réel.

Lutte intime d’un Indien contre les objets des blancs, à qui il ne devra plus jamais rien, combat final entre Custer et les peaux-rouges – sûrs de leur victoire sur « Tête Jaune » – et cauchemar d’un exilé Écossais poursuivi par une prophétie sont au programme. Ce récit, qui donne sont titre au livre, est particulièrement intéressant en ce qu’il nous montre la disparité des colons, l’origine de leur exil (ici, la fuite du joug anglais, quitte à devenir un exploiteur à son tour) et les rancœurs qui les empoisonnent.

En mettant en lumière certains faits méconnus, Toppi réussit, en les drapant d’épique, à pénétrer la complexité d’une époque qui ne demande qu’à être largement explorée, au-delà des habituelles focales.
Maël Rannou

Sergio Toppi n'est plus à présenter. L'auteur italien est traduit dans bien des pays européens. Sa réputation de graphiste d'exception justifie tout l’intérêt que le Japon, la Chine et même les USA lui témoignent également. Naugatuck 1757 revient sur la légendaire période de la conquête de l'Ouest.
En 3 histoires, publiées respectivement en 1977, 1976 et 1978, la messe est dite : le lecteur ne sortira pas indemne des contes concoctés par le maestro transalpin. Car il s'agit bien de contes, où l'on navigue entre texte illustré de pleine page et art séquentiel. Tant que tu vivras est le récit autobiographie d'un indien. Toute sa longue et respectable vie défile sous nos yeux, comme un flashback. Celui dont on ne connaîtra jamais le nom prêta serment dans sa jeunesse. Une promesse qu'il ne rompit jamais et qui dicta toute sa vie : ne jamais accepter quoi que ce soit d'un visage pâle.
Puis vient Naugatuck 1757 : une histoire de pouvoir ancestral détenu par une famille. Une prédiction qui se réalise et confère au dernier héritier de la lignée des capacités qui le conduiront à sa perte. Une fois de plus, Toppi nous régale en tissant le destin dramatique d'un homme étourdi par la puissance qu'il détient.
Puis Little Big Horn 1875 retrace également la folie qui s'est emparée du chef de guerre. Comme toujours, chaque planche, chaque case est une incitation à la contemplation. Le découpage, le Noir et Blanc d'école aux formes géométriques se mêlant à la souplesse des traits, la composition des illustrations, font de l'ensemble ni plus ni moins qu'un chef d’œuvre. Pour un album qui inaugure la publication des histoires « Western » de Sergio Toppi, c'est un coup de maître que réalisent les éditions Mosquito.

Par quel miracle un auteur que l'on connaît par coeur et qu'on lit depuis des années arrive-t-il encore à nous saisir intégralement à chaque nouvelle lecture de
ses oeuvres ? Je n'ai pas la réponse – à part le génie –
mais c'est bien ce qui arrive avec Toppi...
Naugatuck 1757 est un album qui regroupe trois récits parus à la fin des années 70 en Italie et qui se penchent sur l'histoire des Indiens d'Amérique du Nord (un thème cher au maestro transalpin). Dès la première planche, les premières images, les premiers mots, on est saisis par la profondeur du propos, du trait, de la composition. Comment diable cet homme a-t-il réussi à insuffler une telle véracité dans ses bandes dessinées ?
La force de sa création nous fait oublier l'auteur qui se cache derrière les personnages, leurs paroles, leur destinée, et c'est bien un Indien qu'on écoute, là, devant nous, et non un Européen moderne qui parle pour lui. Incroyable processus d'incarnation et sublimes architectures des planches qui font de ces histoires de purs joyaux nous démontrant comme jamais combien la bande dessinée est un art...
Trois histoires, trois personnages, pionniers blancs ou Indiens de souche nous faisant entrer de plain-pied dans
cette époque révolue qui résonne encore puissamment grâce à la magie de Sergio Toppi, immense auteur à redécouvrir éternellement !

Mosquito continue la réédition des histoires courtes de Toppi.
Je crois que les lecteurs amateurs de noir et blanc, même s’ils ne connaissent pas encore Toppi, devraient apprécier cette ligne éditoriale.

3 histoires courtes : 2 mettent en scène des indiens pour un récit d’initiation et un récit d’une vie malmenée, la dernière met en scène un écossais enfermé avec son régiment dans un fort encerclé par des indiens.
3 histoires où une certaine forme de magie agit.

Les graphismes de Toppi donnent vie à des personnages toujours un peu hiératiques comme s’ils étaient détachés des évènements qui leur arrivent. Mais cela n’est pas vraiment gênant dans le contexte de ces histoires.

Un grand auteur à découvrir si vous ne le connaissez pas déjà.

La première histoire raconte comment un indien remplace un père auprès d’un jeune indien dont on devine qu’il est seul à voir son formateur. La deuxième renvoie à la bataille de Culloden – faites tourner votre moteur favori – et comme la première joue avec les ressorts du Fantastique. La dernière – à mon avis la plus forte – donne de la célèbre bataille de Little Big Horn une explication très particulière qui nous renvoie à la religion catholique… Je ne suis pas sûr que raconter ces histoires comme un Jijé, un Gir ou un Blanc-Dumont aurait accroché les lecteurs, or la façon dont Toppi les illustre les rend incontournables...
Si vous connaissez le photographe Salgado et le dessin de Toppi vous pouvez, je crois, comprendre. Chez ces feux artistes les productions sont très esthétiques, « très belles », or elles montrent des choses, des faits relativement tristes. En regardant attentivement les « planches » de Toppi et en observant comment les « cases » débordent du ou s’inscrivent dans le cadre, comment le travail graphique est soigné on « subit » le récit et sa force parce que ce n’est pas uniforme et inscrit dans un moule.
Le genre d’album qu’une fois la lecture finie – l’histoire en mémoire – on prendra grand plaisir à feuilleter.