Ca en bouche un coin coin
Que Lorreta Stevens disparaisse mystérieusement, c'est un départ plutôt convenu pour un polar. Que l'enquête soit menée, dans un univers ultra réaliste, par Mr Grunge, un canard qui pourrait avoir pour frère Riri, Fifi ou Loulou, ce n'est finalement pas inédit. Non, le plus bizarre, pour le lecteur, c'est que tout ça paraît couler de source. Et c'est ce qui donne à cette Affaire Loretta Stevens des accents "lynchiens" (foultitude de personnages bizarres, glauques et décalés qui ont tous l'air de trouver ça normal), un peu comme si Mickey se trouvait projeté dans un album de Gillon. En plus, on ne sait pas trop si le sentiment de malaise, impeccablement distillé tout au long de l'album, est seulement dû au graphisme. Le mélange des genres et des techniques (personnages humains et réalistes dessinés d'après photo, personnages cartoon, dessinés à l'encre et rehaussés parfois de trames) y est forcément pour quelque chose, mais la maîtrise de Baggi se propage aussi dans le scénario et la narration. Tout en conservant une forme de classicisme révélée par le noir et blanc, il plonge son héros dans les bas-fonds de l'âme, un canard de héros qui au final, vivra les cauchemars de la mystérieuse victime dont il cherche à percer le mystère de la mort.
Plus qu'une curiosité, l'Affaire Loretta Stevens est une oeuvre originale.
NP
BoDoï - n°66