Ce nouvel album de Lily Mosquito, collection jeunesse qui fait appel à des talents jeunes ou, comme ici, davantage éprouvés, nous entraîne dans le ventre de Paris au début du XXe siècle. Il procède de l’influence des grands feuilletonistes du roman populaire pour divertir petits et plus grands, en se plaçant sciemment sous le parrainage de Jacques Tardi, façon Adèle Blanc-Sec...
Un grand costaud, au blaze plutôt expressif, Bombardon, accompagne une sorte de Dame Tartine détective d’un âge avancé et au nom pas moins savoureux, Léontine de Poulay en Gelet, dans sa résolution de mystères. Elle s’y confronte avec la fougue que ses ancêtres aristos mettaient à mener des charges de cavalerie dans leurs batailles au service de la France et en précurseur des méthodes de la police scientifique. Cependant que le clebs de l’enquêtrice, Flic, aux préoccupations chères à son espèce puisque comme tout bon chien il déteste les chats, s’exprime par le biais du monologue intérieur.
Il achève de composer ce sympathique trio qui va découvrir pour quelle raison un effrayant monstre entraverait la progression des travaux de construction de la première ligne du métropolitain, dans la capitale française des premières années 1900.
Un Docteur Cornélius teuton ourdit une terrible machination pour dominer Paris !
François Corteggiani, qui a notamment rodé son savoir-faire de narrateur (et dessinateur) à l’école de Pif Gadget ou du Journal de Mickey, inscrit ici volontairement son intrigue dans la lignée des Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec de Jacques Tardi. Jusqu’à risquer le décalque un peu trop appuyé, même si cette série est dûment citée par le biais d’un clin d’œil en cours de récit (p. 17). Heureusement, ce patronage ne se révèle pas, au final, trop pesant.
L’ombre des grands feuilletons du roman populaire plane également sur cette histoire. Non seulement parce que, comme son modèle emprunté à Tardi, l’héroïne est censée en écrire pour les journaux de l’époque, mais aussi parce que, par exemple, Gustave Le Rouge prête son nom au méchant encagoulé qui y déploie ses maléfices. Ce denier agite le spectre d’un monstre ou manipule les Apaches et autres Mohicans de Paris pour dissimuler ses coupables entreprises dans les sous-sols de la ville. Contexte évoqué oblige, cet ennemi ne pouvait être qu’Allemand, selon un sens de la caricature assumé qui s’amuse en outre de l’emploi de mots d’argot.
Après une lecture à un premier niveau qui satisfera le jeune public, de telles références ne seront prises en compte, dans un second temps, par ceux, plus âgés, qui pourront éventuellement découvrir l’album à sa suite.
Un style graphique chaleureux
Pierre Tranchand (alias Pica) est issu de la même bande de créateurs BD que son vieux complice François Corteggiani, avec qui il anime L’École Abracadabra (Dargaud). Avec un autre auteur au parcours similaire aux leurs, Erroc (Gilles Corre), on lui doit la série à succès Les Profs (Bamboo).
Le graphisme de style « gros nez » très rond au moyen duquel le dessinateur dépeint les aventures des trois « challengers de l’inconnu » de La Créature des ténèbres emportera les suffrages de tous, petits ou grands.
ActuaBD