L’album « François d’Assise – Les Fioretti » va recevoir le premier Prix Européen de la BD chrétienne le 3 juin prochain à Strasbourg. L’occasion de revenir sur cette œuvre d’une grande qualité esthétique et narrative puisqu’elle réussit même à faire palpiter mon cœur de vilain athée. Cette biographie de François d’Assise est une vraie réussite. Sur le fond, d’abord. Dans la manière dont Battaglia aborde son sujet, comment il le traite, dans quel esprit, on sent une vraie sympathie de l’auteur pour ce personnage chrétien assez absolutiste. Son empathie transparaît certes artistiquement, mais aussi dans une honnêteté de ton et de langage, évitant le parti pris orienté pour revenir au contraire à l’optique la plus respectueuse qui soit de la vie de ce saint. Battaglia semble avoir pris l’histoire de François d’Assise de manière frontale et ascétique, s’écartant de la pudibonderie et du folklore pour n’en tirer que la substantifique moelle, l’essence première de son message. Bien sûr, tous les éléments religieux sont là, mais nous sommes bien plus dans le témoignage direct de la vie d’un homme, de ses choix, de ses actes, que dans l’hagiographie exagérée. De sa prime jeunesse à sa mort, nous suivons le parcours de cet être qui voulut revenir au premier sens des choses, respirant pour s’ouvrir totalement au monde dans l’humilité et la franchise de cœur. Même si l’on peut être désappointé par le discours finalement extrême de cet homme de bien (extrême dans les répercussions concrètes que cela a sur le quotidien, non dans la beauté des mots et l’intention), je dois avouer que parmi les saints, François d’Assise m’a toujours touché par le fait qu’il parle aux oiseaux, au loup, aux arbres, aux herbes, à toutes vies animales, végétales, minérales. Un homme qui se sent autant frère des oiseaux ne peut être un mauvais bougre, et si je me permets cette petite digression personnelle c’est parce que je pense que Battaglia n’a pas été non plus insensible à cette facette de la personnalité de François lorsqu’il se lança dans cette aventure.
On a beau préférer Battaglia en noir et blanc, on ne peut qu’apprécier ses œuvres lorsqu’elles sont subtilement mises en couleurs. C’est ici le cas avec des tons semblant se greffer au propos dans une chromatologie faisant preuve d’humilité. À part quelques costumes d’époque hauts en couleurs par définition, peu de couleurs vives dans cet album ; juste des poussées de lumière, et beaucoup de blanc, en regard de tons sombres ou atténués sans jamais être éteints. Graphiquement, on peut remarquer plusieurs choses dans le travail de Battaglia sur cette œuvre, notamment la manière dont il traite la silhouette et surtout le visage de François d’Assise. Bien plus souvent que pour d’autres personnages, il insère des grattages dans la représentation de sa chevelure – débordant parfois sur le visage – qui donnent à la représentation de cet homme une certaine profondeur, une texture comme une métaphysique… On notera aussi combien Battaglia, faisant corps avec son sujet, envisage le dessin de la nature, de la faune et de la flore, dans une intention appuyée. Regardez son travail sur les feuillages, les troncs d’arbres, les herbes, les roches… C’est magnifique, tout simplement. Dans la case d’ouverture du chapitre Miracle sur le Mont Alverne, Battaglia penche même du côté de Toppi dans la représentation des roches, tentant des motifs dans une grande justesse de vision. Et lorsque Battaglia quitte le réalisme foisonnant pour le dessin plus « clair et simple », il nous offre de très belles scènes d’époque, comme un petit théâtre moyenâgeux, avec ses figures si typiques… Une vraie tendresse se dégage de l’album en son entier. On attend avec impatience le « Chat botté » adapté par cet auteur que Mosquito éditera prochainement…
Cecil McKinley, BDZoom