La Princesse et le Jongleur

Avec cette histoire, Félix Sintès ne cache pas avoir voulu redonner du lustre au conte de fées à l’ancienne en n’hésitant pas à y intégrer des éléments résolument plus modernes, un alliage qui fonctionne plutôt bien.
Le dessinateur se reconnaît des influences éclectiques. Il les assume volontiers, se décrivant comme longtemps fasciné par Frank Miller ou Mike Mignola concernant les comics, voire Osamu Tezuka ou Akira Toriyama dans le domaine du manga. Même si, pour La Princesse et le Jongleur, un retour à la référence primordiale d’un certain savoir-faire franco-belge s’est opéré pour lui. Tout en soulignant son attrait pour André Franquin, il précise s’être s’inspiré notamment d’Hergé et de « sa façon de raconter et de faire tourner la page », pour inciter à la lecture.

Tout commence par un cataclysme. Le royaume de la princesse est ravagé méticuleusement par des tornades et des pluies torrentielles. Elle assiste au désastre depuis son lit volant. D'après Noé, le responsable de la catastrophe n'est autre qu'un sorcier appelé « Le Jongleur ». assisté de ses deux nouveaux amis Gecko et Sanglier, la Princesse se rend au Gouffre des oublies pour affronter l'odieux personnage.

Lily Mosquito, la collection jeunesse des éditions Mosquito, livre à la sagacité du lecteur une bande dessinée de prime abord déconcertante: un dessin qui donne par moments l'impression de ne pas être parfaitement abouti, tout en restant expressif, une variation intéressante dans les techniques employées, un jeu de couleur intéressant et fortement porteur de sens, une étonnante proposition de chapitrage... Ce one-shot a tout pour déconcerter le lecteur, mais aussi pour éveiller sa curiosité. L'intrigue, basée sur un périple qui possède l'illogisme des mondes oniriques, est simple, tout en procurant des pics d'adrénaline. L'intérêt de cet opus est renforcé par son double niveau de lecture. En effet, on découvre petit à petit que cette histoire enfantine cache une dimension métaphorique qui, à la fin de l'album, donne soudain tout son sens à ce dernier, et lui confère une beauté philosophique.

Le paradis serait-il un enfer?

« Je n'ai jamais eu d'ami, je ne sais pas comment on fait », dit le sanglier. « moi non plus, répond le gecko, je ne sais pas ce qu'il faut faire, on n'a qu'à attendre et voir s'il se passe quelque chose... ». Un sanglier que personne n'aime trouve l'amitié d'un gecko, tandis qu'une princesse un brin teigneuse se débat avec le jongleur, démon malfaisant réfugié dans un gouffre dont le fond est recouvert de visage vivant. Nourri par un imaginaire proliférant, le premier album de Félix Sintès, jeune illustrateur issu de la prestigieuse école Émile Cohl, étonne par sa force onirique, son dessin énergique et ses couleurs acidulées. Destinée au jeune lectorat, cette BD est une fantasmagorie aussi fantaisiste qu'inquiétante, où l'on parle à mots couverts de la maladie et de la mort; et où l'on aime à brouiller les cartes: Satan est un brave jeune homme, qui jardine et écoute de la musique classique, tandis que le paradis n'est qu'un clinquant parc d'attractions.