Sergio Toppi, grand nom de la BD italienne, est connu pour son dessin anguleux, ses noirs et blancs implacables et ses compositions étonnantes – mêlant des pleines pages d’illustrations à des cases éclatées. C’est le discret éditeur Mosquito qui publie son œuvre en français depuis bientôt deux décennies.
Réunissant les récits par thèmes – western, fantastique, etc. –, il présente dans Blues
deux récits tournant autour de la musique afro-américaine des 30’s.
Dans L’Héritier, Toppi nous fait suivre le Baron Samedi, démon mythique du vaudou, navigant dans le Bayou à la recherche des notes de blues qui l’ont fait sortir des enfers. Un blues sale, des bas-fonds, pathétique,
qui le rend pourtant fou.
Dans Blues, l’auteur insiste encore plus sur le côté quasi-mystique de cette musique, à travers Honeylips, saxophoniste noir de génie qui dialogue avec les objets et animaux et convoque son amour perdu quand il joue « le morceau qu’il ne devrait pas jouer ».
Assumant le fantastique inhérent à cette musique tripale et souvent religieuse, Toppi la nimbe de vapeurs d’alcool et son dessin découpe à la serpe visages et décors expressionnistes. Comme Muñoz a su saisir l’âme du tango, il touche au cœur du blues, en en convoquant les origines. Et s’il n’est nulle part vision de champ de coton, la
pauvreté, la fatigue et la misère ségrégationniste font bien résonner dans nos têtes la musique du Diable.
À noter : Toppi est aussi l’illustrateur, sur des
textes de Jean Buzelin, de The Blues, double
album CD paru chez BDMusic en 2014.
Maël Rannou (Tranzistor)