Luca Russo - interview

Où comment l’on devient auteur

J’ai dessiné dès mon plus jeune âge et quand je sortais avec mes parents j’emmenais du papier et des crayons de couleur. J’ai très vite été fasciné par tout l’attirail pour dessiner, un univers à découvrir et cela me fascine encore. Comme tous les gamins je regardais les dessins animés et je notais le nom des dessinateurs en rêvant de créer moi aussi ces personnages dont je chantais les génériques à tue-tête. Et, vers vingt ans, j’ai fait mes premières véritables expériences, j’ai appris à dessiner sur les films de cellulose et je me suis rendu compte à quel point il était important d’apprendre au contact d’auteurs qui travaillent dans des registres différents. J’ai ainsi rencontré des dessinateurs de BD, des illustrateurs, des architectes, des graphistes, des peintres.
Avec mon ami Paolo Maddaleni, à présent un professionnel reconnu, nous avons passé des après-midi entiers à expérimenter des techniques de dessin et de peinture. Nous étions à l’affut de toutes les nouveautés. Ce qui a été également important ce fut de fréquenter l’atelier de Dino Leonetti, un homme de qualité et de grande expérience, bien de futurs grands dessinateurs sont passés par là. C’est ainsi que petit à petit j’ai pu comprendre quel était la voie qui me convenait le mieux : la bande dessinée et l’illustration.
Ensuite j’ai rencontré Cristiano Silvi, nous avons ensemble réalisé deux romans graphiques, il avait écrit les scénarios. Ce fut très stimulant au niveau amical mais aussi pour le langage cinématographique que nous avons développé.
Puis, j’ai décidé de me plonger dans un projet de bande dessinée plus pictural que j’ai réalisé entièrement : Nottetempo (Nocturne vénitien) publié en Italie aux éditions Tunué avant de sortir en France.

Le choix de Venise

Tout est au service de l’histoire, y compris le choix des lieux. Venise incarne bien sûr le romantisme mais apporte aussi la touche de mystère que je voulais donner à l’histoire. C’est une ville baignée par l’eau ce qui m’a suggéré que l’espace et le temps soient suspendus. Les grandes cités artistiques peuvent être vues de façon différente selon la personne qui les regarde. Le fait que je ne sois pas Vénitien me donne la possibilité d’apporter d’autres nuances. Il y a bien des années, j’ai été à Venise en en hiver quand il neigeait. Se promener de nuit dans les rues enneigées et silencieuses m’avait laissé une profonde impression et ce souvenir m’est revenu quand je me suis posé la question du choix des lieux.

L’atelier

Vu que je passe beaucoup de temps dans mon atelier, il faut que cela soit chaleureux. Je me suis entouré de tables et de rayonnages en bois. Sur une table, je fais le boulot traditionnel, sur l’autre les travaux sur ordinateur et palette graphique. Je conserve mes originaux dans un coffre en bois, et dans un coin, je prends mon thé dans un fauteuil, c’est là qu’en général, j’écris les histoires. Je travaille chez moi et quand j’ai besoin de documentation je sors avec une sacoche et l’appareil photo. En général, je transcris les idées qui me viennent dans les cafeterias ou les librairies, quand il s’agit d’un travail plus structuré, je reste dans l’atelier.

Technique

J’ai une formation classique. Au fil des ans, j’ai étudié de nombreuses techniques : la peinture à l’huile, l’aquarelle, les crayons de couleur… Quand je choisis une technique, je le fais en fonction de ce qui sera le plus adapté au récit. Pour Nocturne vénitien j’avais d’abord pensé à la peinture à l’huile, mais pour pouvoir garder le contrôle sur le grand nombre de planches, j’ai mis au point une technique de peinture digitale en utilisant le logiciel Corel Painter. Cela m’a permis d’obtenir à l’ordinateur toute la souplesse et les effets de la peinture à l’huile traditionnelle.

Angoulême 2020

Cela reste pour moi un souvenir inoubliable. Voilà ce que j’avais écrit sur cette première : « 12 h 30, arrivé au stand, mon éditeur me demande si j’ai fait bon voyage et une seconde après, je suis interpelé par un lecteur qui souhaite une dédicace. Bien que je ne sois prévu sur le stand que l’après-midi, mes collègues me font une place. La main tremblante, je commence à dédicacer. Et en un instant je suis entouré par des lecteurs et les bénévoles du stand ! Les dédicaces s’enchaînent jusqu’au repas. Nous partons ensuite au restaurant, j’ai les jambes flageolantes. Dans un magnifique endroit, je mange avec de très bons auteurs : le Canadien Cédric Loth, l’Espagnol Francesc Grimalt…. Chacun parle de son travail, de technique, d’art et de voyages. L’après-midi nous reprenons les dédicaces, les gens sont polis, patients et calmes, ils me parlent, mais malheureusement, je ne comprends pas. Ma compagne traduit. La séance va durer cinq heures avec une pause ! Tout n’est qu’élégance et courtoisie. Le soir je me détends enfin et je ris. »