Extraits de Au Buffet

A côté de lui, genre baroudeur égaré, la tignasse en bataille attachée en queue de cheval, Tito. Tito, sculpteur. Sculpteur sur éponge, parce que la matière est moins dure, c’est plus facile à faire… Il n’a jamais bossé de sa vie, ce garçon. Il aurait des dons, la sculpture, c’est son truc, mais il ne le fait pas. La mairie lui a commandé une œuvre pour le rond point de l’entrée, vers l’autoroute. TITO a dit : « Il me faut du marbre de Carrare. Je vais le commander en Italie ».


Il n’a jamais téléphoné, il n’est jamais allé le chercher… En ce moment, il ramasse des fruits dans le sud, parce que sa femme l’a foutu à la porte et il faut bien bouffer. A quarante ans, il est grand-père, et même pire que ça, il y a pléthore… Ah ! il a commencé tôt, mais pour ce qui est de travailler… Un jour, il dit à Jérôme : « Je ne comprends pas, ça me dépasse, tous ces jeunes qui ne foutent rien !.. » Comment lui en vouloir ? Au moins il voit passer sa vie, il profite, le nez en l’air. Regarde-le : même là, il a l’air lointain. (Extrait p 9)

Les gens se débrouillent pour arriver juste avant la fermeture, généralement en manque de cigarettes ; je déteste ça. Hier soir, avant-hier soir, j’y ai eu le droit, mais je leur ai joué ma petite comédie en beauté. C’est simple, je les renifle à une lieue. Quand j’entends arriver une voiture à cette heure-là, je regarde par la fenêtre et je repère immédiatement les types soulagés de trouver un établissement ouvert… Alors là, comme un diable qui sort de l’eau bénite, je me précipite sur les volets roulants, et les descends à la vitesse de l’éclair ! C’est inouï la vitesse à laquelle je vais ! Et puis, j’observe. Ils sont tous sur la terrasse, déçus, dépités ! Oh ! Parfois, qu’est-ce que ça peut me contenter ! Ce n’est pas entièrement fermé, les volets sont baissés juste à moitié, on ne sait pas si c’est du lard ou du cochon. Je les regarde. Ils sont là, comme des pauvres. C’est un moment délicieux.


Après, parfois, je rouvre. (Extrait p 52)

Finalement, les protestations dehors prennent de l’envergure ; on n’a pas le cœur à la rigolade, mais tout le monde sort plus ou moins pour jeter un œil.


Les dames qui protestent semblent toutes bien ménopausées, c’est comique. Les flics arrivent, musique, ambiance.


« MAINTIEN ! MAINTIEN DE LA MATERNITE !!


Se joignent à la pantomime des gens qui viennent boire des demis chez moi. Ils ont laissé des autocollants « CHOMEURS REBELLES ». Ils repartent à la manif.


Philibert est en fin de cortège avec la mère Turc qui traîne son chien. Il y a un vieux banquier, les élus de droite et de gauche avec des gueules de brochet et les dames d’un âge. Récapitulons : des ménopausées, des couilles molles et des écharpes tricolores pour défendre une maternité : les lardons n’ont qu’à bien se tenir. (Extrait p 55).